Un rapport américain sur le TTIP est « sans appel »: « Les Européens n’ont pas grand-chose à gagner »

L’eurodéputé PS Marc Tarabella a pu consulter le rapport d’évaluation des gains des projets de TTIP sur la table, émis par le ministère de l’agriculture américain. Selon lui, ses « conclusions sont sans appel : d’une part, le secteur agricole Européen serait le grand perdant de cet échange, d’autre part les européens pourraient même subir des effets négatifs en cas d’accord. De l’aveu même des américains, les Européens n’ont pas grand-chose à y gagner. Au vu de ces résultats, je demande l’arrêt pur et simple des négociations avec les États-Unis. Je ne veux pas voir mener à l’abattoir l’agriculture européenne et dans son sillage la subsistance alimentaire européenne », tempête le député européen, en charge de l’agriculture et de la Protection des consommateurs au Parlement européen, dans un communiqué émis ce mardi.

Il ajoute que « le volet agricole ne peut être la variable d’ajustement des autres chapitres de la négociation TTIP. Ce serait se moquer des agriculteurs et des consommateurs européens. »

Les gains financiers pour les USA seraient incroyablement plus grands que pour les Européens

Dans ce communiqué, on apprend que plusieurs scénarii sont envisagés par les Américains. Deux leur sont extrêmement favorables. Il s’agit premièrement de l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5,5 milliards de dollars aux Etats-Unis là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions. Le second serait cette même abolition à laquelle on ajouterait la suppression des mesures non tarifaires. Là, les USA gagneraient 10 milliards de dollars tandis que l’Union européenne seulement 2 milliards.

Cette disproportion entre les gains potentiels au niveau agriculture de la signature d’un tel accord transatlantique –qualifiée de « déséquilibre astronomique » par Marc Tarabella- aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence ferait plonger les prix pour les producteurs européens, selon le député.

Les Américains qui ont réalisé l’enquête l’avouent eux-mêmes: « les Européens n’ont pas grand-chose à gagner » en signant un tel accord.

Si les citoyens européens préfèrent la qualité, les USA n’auraient rien à y gagner

Ils ont également évalué leurs gains dans d’autres scénarii. Celui qui leur serait le moins profitable ? « Dans le texte, on peut également lire que le scénario qui leur serait néfaste serait celui de citoyens faisant de la qualité et des questions sanitaires une priorité », détaille encore M. Tarabella. Les autorités US expliquent qu’alors les consommateurs se tourneraient vers la production locale. Dans un tel cas, les Américains conviennent que le TTIP n’aurait aucun intérêt. « On imagine volontiers toute la détermination outre Atlantique d’éviter un tel scénario catastrophe pour les entreprises US », estime l’eurodéputé.

« Ce rapport vient conforter une position déjà défendue au Parlement européen : il faut cesser les négociations TTIP avec les États-Unis afin que ne soient sacrifiés ni l’agriculture européenne ni le citoyen européen ! », conclut M. Tarabella.


COP 21 : la manifestation pour le climat du 12/12/15

TAFTA ou CLIMAT il faut choisir

 


Les multinationales ont empêché les  » COP  » de résoudre le problème du climat

4 décembre 2015 / Entretien avec Vandana Shiva

Le système agro-industriel, contributeur massif au réchauffement climatique, se montre aussi incapable de résoudre les problèmes environnementaux et alimentaires de la planète. Pour Vandana Shiva, la solution est à chercher du côté des « systèmes d’alimentation locale contrôlés par la communauté et gérés par les citoyens ».

L’écologiste, auteure et féministe indienne Vandana Shiva est en visite à Paris afin de signer le Pacte pour la Terre avec l’association Solidarité. Reporterre l’a rencontrée.


Reporterre – Quels impacts ont les modèles agro-industriels sur l’environnement en général, et sur le climat en particulier ?

Vandana Shiva – Plusieurs études ont démontré qu’une part importante des gaz à effet de serre proviennent d’un système d’agriculture mondialisé et industriel. L’agriculture industrielle intensive utilise des engrais issus de combustibles fossiles. Leur production demande beaucoup d’énergie et émet des volumes importants de gaz à effet de serre. Le protoxyde d’azote (N20) qu’ils relâchent est 28 fois plus « réchauffant » que le dioxyde de carbone (CO2).

Les gaz à effet de serre émis lors du transport des aliments ont un coût environnemental très élevé. Quand vous vous procurez vos légumes via une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), il n’y a pas besoin de réfrigération. Quand vos légumes sont acheminés par des hypermarchés, si. De plus, 50 % de la nourriture transportée sur de longues distances est perdue. Elle se transforme en déchets qui répandent du méthane, un autre gaz à effet de serre. Enfin, la production d’emballages repose sur une industrie extractive polluante – d’aluminium, par exemple.

Par ailleurs, la déforestation représente 15 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Or, l’agriculture industrielle détruit les arbres. En Indonésie, on fait brûler les forêts pour produire de l’huile de palme. Dans la forêt amazonienne, on tue des indigènes pour planter du soja. Ces faits sont en contradiction avec le discours de l’agriculture industrielle, qui prétend qu’elle participe à la conservation des terres.

Alors qu’elle détruit le climat, l’agriculture industrielle ne produit que 30 % des aliments consommés par les humains. Ce n’est pas de la vraie nourriture, seulement des denrées, des marchandises. 70 % des aliments proviennent d’une agriculture paysanne, et c’est une vraie nourriture.

Qui sont les premières victimes de ce système agro-industriel ?

Ceux qui souffrent le plus de ce système et de ses conséquences sur le climat, ce sont les petits paysans. Parmi eux, on compte une grande majorité de femmes. Elles perdent leurs moyens de subsistance, leur sécurité alimentaire et sont déplacées. Dans les cas extrêmes, cela aboutit à une désintégration de la société.

Dans ma région de l’Uttarakhand, en 2013, nous avons connu un désastre. De fortes pluies ont provoqué des inondations. Les femmes des communautés ont dû être déplacées. Aujourd’hui encore, elles sont réfugiées. Elles vivaient dans de beaux logements de bois sculpté. À présent, elles se retrouvent sous des tentes en plastique. Je tremble en pensant à ces paysannes, qui nourrissent la terre et se retrouvent dans des situations terribles.

Pensez-vous que l’agriculture sera un sujet lors de la COP 21 ?

Lors de la COP 21, on parlera de « Climate Smart Agriculture », d’agriculture « climato-intelligente ». C’est l’agriculture que défendent les grandes industries et les entreprises transnationales, qui veulent créer plus de produits artificiels pour, soi-disant, résoudre les problèmes. Les gouvernements, sous l’influence des entreprises, proposent ces fausses solutions qui prônent les OGM et davantage d’intrants chimiques. Ils veulent continuer à dérégler le climat sous prétexte de répondre aux besoins des peuples.

Si on parle de COP 21, c’est que les vingt précédentes COP ont été empêchées par les entreprises transnationales de résoudre un problème pourtant bien connu. On parle aussi beaucoup de financements climat. Si les pays en finissaient avec les 400 milliards de dollars de subventions accordées à l’agriculture industrielle, on aurait largement les moyens de lutter contre les changements climatiques.

Si on se débarrassait des pesticides, des intrants chimiques et des différentes choses qui posent problème, on aurait une meilleure santé, de meilleures démocraties et des économies plus saines. Donc, qui cherche de vraies solutions doit se tourner vers une agriculture agroécologique et vers des systèmes d’alimentation locale contrôlés par la communauté et gérés par les citoyens.

Pour vous, les Amap représentent une alternative sérieuse au système agro-industriel. C’est pour cela que votre organisation, Navdanya, a signé le Pacte pour la Terre avec l’ONG Solidarité

En Inde, les Amap ont clairement montré le pouvoir et l’importance des systèmes d’alimentation locaux. Ils réduisent les dépenses de santé et améliorent l’économie.

Aujourd’hui, nous pouvons monter en puissance de deux manières. Soit en grandissant et en nous massifiant, soit en nous disséminant partout sous la forme de petits projets. Une chose est sûre : nous avons peu d’options. Les gouvernements peuvent échouer. Mais nous, les peuples, nous ne pouvons pas nous le permettre. C’est pourquoi je suis venue me joindre à l’association Solidarité pour lancer ce Pacte pour la Terre.

Il ne s’agit pas d’une pétition, car une pétition serait adressée à des détenteurs de pouvoir. Nous invitons chaque citoyen concerné à faire ce pacte avec les autres, avec la Terre, de cette manière à façonner de nouvelles économies, de nouvelles démocraties et de nouveaux systèmes agricoles. Nous n’allons pas attendre d’une conférence internationale qu’elle apporte la solution. C’est à nous, citoyens, de nous réapproprier les moyens d’action. Parce que nous pensons que l’union fait la force et qu’un citoyen plus un citoyen plus un citoyen peuvent créer un lobby fort et être entendus.

Comment récupérer des terres pour mettre en œuvre cette agriculture paysanne ?

Dans un premier temps, il faut résister à l’accaparement de nouvelles terres. Le modèle de l’Inde est intéressant. Cela fait trois fois que le gouvernement indien essaie de passer une loi permettant d’accaparer plus facilement les terres, et cela fait trois fois qu’il échoue face aux rassemblements de paysans.

L’Inde est un pays de petits paysans, pourtant, les terres sont aux mains de grands propriétaires. Il faut donc mener des réformes agraires, et revoir comment on distribue les terres aux petits paysans.

Là, le modèle des Amap est utile : une Amap, ce n’est pas seulement des paysans qui cultivent des légumes pour les vendre à des consommateurs. L’idée est que citoyens et paysans se regroupent pour acheter des terres collectivement.

Comment le mouvement pour des semences libres s’inscrit dans cette lutte contre les changements climatiques ?

Il s’y inscrit à trois niveaux. Tout d’abord, il permet aux petits paysans de sauvegarder et de développer les semences traditionnelles.

Il permet ensuite aux paysans d’utiliser les semences pour promouvoir l’agroécologie. Ce modèle agricole améliore la fertilité des sols, produit davantage de nourritures et capte les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, contrairement à l’agriculture industrielle, qui en émet.

Enfin, il permet de résister aux fausses solutions, comme les OGM, développées par de grandes firmes type Monsanto, qui s’approprient les semences traditionnelles paysannes capables de résister aux changements climatiques.

Êtes-vous optimiste sur le développement à grande échelle de l’agroécologie et des Amap ?

Oui, je suis très optimiste. Je crois beaucoup au pouvoir de la vérité. Même si, à court terme, les gouvernements et les lobbies vont avoir leur part de la pomme d’or, c’est la vérité qui va finir par triompher. On peut manipuler un temps les gouvernements, mais pas les peuples.

Les fausses solutions ne font pas leurs preuves. Les OGM ne nourrissent pas la planète, alors que les modèles type Amap, si. On le voit au niveau local, au sein du réseau des Amap d’Île-de-France par exemple : c’est un système qui fonctionne, économiquement parlant.

Je suis optimiste parce que l’histoire, mon expérience, mon activisme, me montrent tous les jours que la démocratie participative est un modèle gagnant pour une véritable souveraineté alimentaire.


- Propos recueillis par Émilie Massemin

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TAFTA ou CLIMAT : il faut choisir !


WikiLeaks : transport, énergie et environnement au menu de l’accord sur le commerce des services (TISA)

Pendant que les négociations mondiales sur le climat battent leur plein à Paris dans le cadre de la COP 21, d’autres discussions, bien plus discrètes et très opaques, se tiennent en parallèle à Genève. Nom de code Tisa : pour Trade in Services Agreement, l’accord sur le commerce des services. Une cinquantaine d’Etats (1) – dont les 28 de l’Union européenne, mais ni le Brésil, ni la Chine, ni l’Inde – en sont parties prenantes. Ils s’appellent, entre eux, les «très bons amis des services». Objectif : mettre sur pied un accord multilatéral qui réduise au minimum les barrières à la concurrence. Puis tenter de l’étendre plus largement dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La «libéralisation progressive» des activités de services figurait déjà dans un texte bien antérieur, l’accord général sur le commerce des services (AGCS), une annexe à l’accord de Marrakech qui, en 1994, créait l’OMC. Mais les «négociations successives» prévues pour «élever progressivement le niveau de libéralisation» n’ont pas abouti comme prévu. Après l’échec du cycle de Doha, les «très bons amis des services», Etats-Unis et Australie en tête, ont initié en 2012 des discussions multilatérales. Les négociations sur le Tisa ont officiellement commencé en 2013. En juillet 2015, 13 rounds de négociations s’étaient déjà tenus, indique le site du ministère des Affaires étrangères.

«Limiter les réglementations gouvernementales»

Du contenu même de ces discussions, rien n’avait filtré jusqu’à l’an dernier, si ce n’est les propositions initiales d’une poignée de parties prenantes. Et pour cause, les documents de travail étaient censés rester secrets pendant cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord final qui, seul, aurait été rendu public… En juillet 2014, WikiLeaks en révèle l’un des chapitres, celui consacré aux services financiers, dans une version datée d’avril. Depuis, l’organisation de Julian Assange a publié, en juin et juillet 2015, diverses versions de travail concernant une dizaine d’annexes au Tisa – commerce électronique, transport maritime, télécommunications, transport aérien… –, ainsi que le texte-cadre, dans son état d’avancement d’avril 2015.

Les promoteurs de l’accord insistent évidemment sur les opportunités en matière de croissance et d’emplois, comme en témoigne l’argumentaire publié sur le site de la Commission européenne. La société civile, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Syndicats et associations, déjà mobilisés sur d’autres projets d’accords – tels le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) négocié entre l’Europe et les Etats-Unis et son équivalent transpacifique (TPP) –, dénoncent aussi bien l’opacité des discussions que leur teneur dérégulatoire. En Europe, des parlementaires commencent à demander des comptes. Au point que la Commission a déclassifié, en mars, son mandat de négociation, comme elle l’avait fait cinq mois plus tôt pour le TTIP.

Ainsi l’Internationale des services publics (ISP), une coalition syndicale qui regroupe 20 millions de travailleurs dans 154 pays, écrivait-elle en juillet que «cet accord viendrait interdire ou limiter les réglementations gouvernementales qui entravent les activités et les bénéfices des principales multinationales du secteur», et exprimait ses «craintes que les négociations n’aient d’autre objectif que d’imposer une libéralisation extrême des services publics». Ce dont la Commission européenne, notamment, se défend, arguant qu’elle exclut du périmètre les services régaliens, la santé et l’éducation publiques, l’audiovisuel et les services liés à l’eau. Loin d’être suffisant pour les opposants, d’autant que le Tisa prévoit une clause à «effet cliquet» (ratchet clause) en matière de traitement des fournisseurs de services, qui rendrait irréversible toute nouvelle libéralisation.

Harmonisation à la baisse

Les nouveaux documents publiés ce jeudi par WikiLeaks, en partenariat avec plusieurs médias européens (dont Libération), qui concernent le transport routier, l’énergie et les services environnementaux et datent de décembre 2014 et juillet 2015, ne seront pas de nature à rassurer ceux qui s’inquiètent des effets possibles du Tisa. D’ores et déjà, la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) dénonce le risque de dumping social, ses conséquences sur les conditions de travail des employés du secteur et sur la sécurité des routes. «Au prétexte de faciliter le commerce, les régulations environnementales risquent d’être « harmonisées à la baisse » pour s’aligner sur le plus petit dénominateur commun, et les services publics écologiquement sensibles courent le danger d’être privatisés», dénonce de son côté l’ONG les Amis de la Terre.

Et si la proposition de l’Islande et de la Norvège sur les services énergétiques réaffirme que chaque Etat partie prenante de l’accord doit conserver «le droit de réguler et d’introduire ou de maintenir des mesures ayant un impact sur le commerce des services liés à l’énergie, afin d’atteindre les objectifs légitimes de politique nationale», il s’agit bien, in fine, de «limiter les distorsions de marché et les barrières à la compétition», y compris celles «provenant de la position dominante des entreprises nationales du secteur de l’énergie». Au terme du texte, aucune différence n’est faite entre les énergies elles-mêmes – du fossile au renouvelable. Pour Rosa Pavanelli, la secrétaire générale de l’ISP, la publication de ces nouveaux documents met en lumière le double discours des «très bons amis des services» : «Tandis que des objectifs ambitieux sont discutés à Paris, à Genève, on renonce aux moyens d’y parvenir pour préserver les intérêts des plus grandes entreprises de la planète», a-t-elle déclaré. Et d’en appeler, de nouveau, à plus de transparence sur le contenu des négociations.

Voir l’ensemble des documents sur le site de WikiLeaks.

(1) Australie, Canada, Chili, Colombie, Corée du Sud, Costa Rica, Hongkong, île Maurice, Islande, Israël, Japon, Liechtenstein, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Panama, Pérou, Suisse, Taiwan, Turquie, Etats-Unis et les Etats de l’Union européenne.

Amaelle Guiton avec Julian Assange


TISA : on ne parle plus d’État dans les textes d’étude

Rien ne change ! En dépit des crises financière et environnementale, illustrant des échecs patents, malgré les critiques venues aussi bien de personnalités politiques, d’associations, de la société civile, ils n’en démordent pas : la déréglementation de tout reste leur horizon indépassable. C’est ce qui transparaît des nouveaux documents révélés par WikiLeaks sur l’accord en cours de négociation sur les services (Trade in services agreement ou Tisa) publiés en partenariat par Mediapart et 12 autres médias et organisations internationaux. Les « très bons amis des services », comme ils se surnomment entre eux, continuent leurs discussions souterraines pour pousser toujours plus loin l’abaissement des normes et des droits sociaux et environnementaux, l’affaiblissement des États, face à la puissance de l’argent.

Sans WikiLeaks, Tisa serait resté un nom inconnu. Personne n’aurait rien su des négociations souterraines de ce traité qui se veut le pendant du traité commercial transatlantique (Tafta ou Ttip), discuté dans les mêmes conditions d’opacité. Les parlementaires auraient découvert un jour un traité qu’ils sont censés approuver d’un bloc, sans possibilité d’amendement ou de discussion. Ils n’auraient même pas pu avoir accès aux travaux et documents de travail qui sont en train de servir à l’élaboration du texte : tout est censé rester classé « secret défense » ou plus exactement « secret affaires » pendant cinq ans après l’adoption du traité.


La Norvège et l’Islande ne s’y sont pas trompées. Les deux pays, très impliqués dans l’énergie et la transition énergétiques, ont fait une proposition commune dans le cadre de ces négociations secrètes. Publiée par WikiLeaks, celle-ci révèle en creux le projet général des négociations :un abandon total de la souveraineté des États en matière d’énergie pour laisser la place aux « spécialistes », les géants du secteur.

Tout en plaidant pour la levée des barrières s’opposant à une plus grande compétition dans les services, les deux pays insistent sur le fait« que chaque partie [on ne parle plus d’État dans les textes d’étude de Tisa – ndlr] conserve le droit de réguler et d’introduire ou de maintenir des mesures concernant les services à l’énergie afin de répondre aux objectifs légitimes de politique nationale ». Une limitation des pouvoirs des États en ce domaine aurait-elle donc été envisagée, pour que les deux États éprouvent le besoin de rappeler ces droits ?  L’explication fournie par les deux pays dans un argumentaire venant compléter leur projet et publié aussi par WikiLeaks laisse soupçonner le pire : « Le droit des parties de réguler les services et d’introduire de nouvelles régulations pour répondre à des objectifs politiques nationaux est particulièrement pertinent en matière de services à l’énergie », expliquent les deux pays.


Les multinationales ne cachent plus leur volonté de se débarrasserde toutes les contraintes environnementales et réglementaires imposées par les Etats, qui font obstacle, expliquent-elles, au développement et à l’exploitation des ressources énergétiques et minières.Le gouvernement français lui-même semble sensible à leurs arguments, et prendre la voie tracée dans le cadre des négociations de Tisa.


Bienvenue dans le monde des services mondialisés, des travailleurs détachés, sans droit, sans loi. « Si ce projet de Tisa est instauré, nous assisterons dans le transport routier à ce qui s’est passé dans d’autres secteurs : cela va servir à consolider le pouvoir des multinationales », préviennent Mac Urata et Sarah Finke, responsables de la Fédération internationale des salariés du transports (ITF) dans une réponse elle aussi révélée par Wikileaks (lire ci-dessous). « ITF croit qu’il est important pour les gouvernements de développer une politique de transports correspondant au niveau de développement des pays. En principe, chaque pays devrait fonder sa politique sur des objectifs et des programmes sociaux et économiques (…) Ce n’est pas la façon dont les champions de Tisa veulent organiser le monde. Les conséquences combinées des propositions de Tisa constitueraient d’importants obstacles pour n’importe quel Etat désireux d’investir et de gérer ses infrastructures nationales, de planifier leur développement ou de défendre des normes sociales et de santé dans l’industrie du transport elle-même », dénoncent-ils, avant de rappeler les dégâts causés dans ce milieu par les chauffeurs envoyés de l’Europe de l’Est, exploités et sous-payés. « Et bien sûr, ce texte a été négocié en secret, sans discussion significative, sans possibilité d’inclure des clauses environnementales ou sociales », ne peuvent-ils s’empêcher de relever.

Ainsi va le monde des « très bons amis des services ». Et tous les dirigeants politiques nationaux comme européens se taisent, gardant le silence sur ces négociations aussi opaques que le traité transatlantique. Pendant combien de temps encore vont-ils continuer à cacher leur jeu?

Voir —>  https://wikileaks.org/tisa/


L’abominable TAFTA (GMT ? TTIP ?) pour les « nuls » !

TAFTA Drapeau US stop no

 Le TAFTA, ça sert à quoi ?

L’idée de mettre en place une zone de libre échange transatlantique ne date pas d’hier puisque juste après la chute du mur de Berlin, la poussière n’était pas encore retombée que les États-Unis et les États européens signaient déjà une première « résolution transatlantique ». Mais le TAFTA irait mille fois plus loin, puisqu’il prévoit une véritable zone de libre échange total pour le commerce et les investissements entre les USA et l’UE. En gros, on demande aux États de se plier aux normes créées par et pour les multinationales, de l’ultra-libéralisme agressif.

Pourquoi cela nous concerne tous ?

Ce Traité nous concerne tous car aujourd’hui, l’économie réunit tous les domaines dans la société. Cet accord s’il était signé mettrait donc dans la balance notre sécurité alimentaire, notre politique concernant l’écologie, l’énergie, la santé, la culture, l’emploi, la sécurité sociale et le secteur public en général, la liberté du web… Pour faire bref, il pourrait transformer le modèle « social » français en celui des États-Unis, vous savez, cet Eldorado où plus de 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté…

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Pourquoi faut-il dire NON au TAFTA ?

TAFTA propose d’harmoniser les normes existant aux États-Unis et en Europe. Si on lit cette phrase avec naïveté et bonté, on peut se dire qu’il n’y a rien à craindre d’un traité comme celui-là.

Par exemple, pour notre sécurité alimentaire, l’UE n’autorise pas certains produits car les OGM qu’ils contiennent ne respectent pas certaines normes. Mais ne croyez pas que TAFTA empêchera également la consommation de ces produits aux États-Unis afin d’harmoniser les normes en faveur des citoyens consommateurs. Non, cela se saurait si les accords commerciaux se préoccupaient de notre santé. C’est bien le commerce qui doit être favorisé par le Traité.

Accepter ce Traité, c’est ouvrir les portes à un cheval de Troie dépossédant nos « élus » – déjà maîtres de si peu de choses – de leurs possibilités de poser des garde-fous aux désirs cupides des multinationales ! Et donc de voir les OGM débarquer dans nos assiettes en toute légalité et sans aucun recours citoyen possible !

Comment les « élus » pourront-ils freiner le TAFTA ?

Ils ne le pourront pas, ou très difficilement. On l’a vu, cet accord garantit des conditions de commerce optimales dans toute la zone du monde dit « occidental ». Qui dit conditions de commerce optimales dit que tout État qui tentera de s’élever contre une décision d’une multinationale devra répondre de ses actes devant un Tribunal international indépendant. Qui dit indépendant des États dit non démocratique. Ces tribunaux, au nom du sacro-saint commerce, donneront donc naturellement raison aux multinationales et à leurs velléités face au désir des États de protéger leurs citoyens.

Les entreprises porteront plainte dès qu’elles jugeront qu’un État, par ses lois et règles, porte atteinte à ses profits réels ou espérés. On voit vers quelles dérives cela peut nous mener.

tribunal tafta

S’il y a de quoi s’indigner, ce genre de pratiques existe déjà : le cigarettier Phillip Morris a attaqué l’Uruguay et l’Australie à cause de leur législation anti tabac, une société américaine a attaqué le Canada parce que le pays refuse l’extraction du gaz de Schiste, plusieurs pays européens ont attaqué l’Égypte parce que le pays à augmenté le salaire minimum… (vive la mondialisation économique !)

Demain avec le TAFTA, l’Europe dira bonjour aux médicaments testés on ne sait comment aux États-Unis, aux OGM, à l’exploitation du gaz de Schiste, au poulot chloré, au bœuf aux hormones, au porc à la ractopamine etc. En revanche, elle pourra dire adieu au salaire minimum, à la neutralité du net, à la sécurité sociale, à l’exception culturelle etc.

C’est clairement un accord qui retirerait le peu de souveraineté qui restait au peuple. Cette souveraineté ira toute entière aux plus gros groupes économiques du monde… Il fait rêver le monde de demain, non ?

Pourquoi autant de noms donnés au TAFTA ?

Pour noyer le poisson, évidemment ! On l’a dit, les accords entre UE et USA sont régulièrement mis à jour et tout aussi régulièrement combattus par les citoyens. Cet accord commercial transatlantique est déjà sur les bureaux depuis moult années. Déjà entre 1995 et 1997, on avait essayé de nous avoir avec le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Cet accord était resté secret sauf que dès qu’il a été révélé au grand jour, il a soulevé une vague de protestation telle qu’il a été abandonné.

Suite à cela, et notamment depuis 2008, les négociations pour un grand projet commercial transatlantique s’enchaînent – en secret – et pour encore plus de discrétion, se cachent derrière de nombreux noms compliqués à retenir. J’ai choisi celui de TAFTA – Transatlantic Free Trade Area  – mais j’aurais aussi bien pu l’appeler le TTIPTransatlantic Trade and Investment Partnership. En français aussi, le TAFTA a fait des émules : on entend parler du GMTGrand Marché Transatlantique -, de l’APTAccord de Partenariat Transatlantique – et comme jamais deux sans trois, il est aussi surnommé le PTCI – Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement.

Mais la seule règle à retenir est celle-là : peu importe le nom que vous choisirez d’utiliser, il n’y a qu’un seul Traité, il est très dangereux et à combattre vigoureusement. Ne laissons pas ces effets de fumée nous diviser !

Un autre secret bien gardé : l’arnaque du CEPR

Après avoir lu tout cela, vous devez tout de même vous demander (et moi aussi d’ailleurs) : Mais alors, pourquoi vouloir de ce Traité puisqu’il a l’air si nul ?

Selon un rapport du CERP, le Traité sera une bouffée d’oxygène pour l’Europe et permettra à tous les ménages de gagner la bagatelle de 500€/an en plus à partir de 2029 ! La belle affaire. Car si vous êtes malins, et je sais que vous l’êtes, vous vous dites : Oui, mais d’ici 15 ans avec l’augmentation du coût de la vie, ces 500€ ne vaudront pas grand chose ! Et puis attendre 15 ans, pfff ! Et vous avez raison.

tafta

L’arnaque va beaucoup plus loin, car vous savez qui a dirigé l’étude du CERP (Center of Economic Research Policy) ? C’est Guillermo de la Dehesa, un conseiller de la magnifique banque Goldman Sachs. Il est entouré entre autres d’un conseiller d’un laboratoire pharmaceutique et d’un ancien dirigeant de Coca-Cola. Slurp ! D’autres puissantes multinationales poussent en faveur de la validation du TAFTA telles que Walt Disney (désolé pour les adorateurs de Mickey), Michelin, Nestlé, Unilever, la Warner, Microsoft et j’en passe.

Et cerise sur le gâteau, on trouve aussi dans les ardents défenseurs du TAFTA Michael Taylor, l’ex vice-président de la multinationale à boycotter, Monsanto. Il s’exprime désormais au nom de la FDA, Food and Drug Association. Le monde tourne à l’envers non et j’ai un peu chaud, pas vous ?

Voyez au grand jour le visage de ce que l’on appelle la « démocratie occidentale » : un traité opaque dont les médias ne parlent pas sciemment et dont les citoyens n’ont pas connaissance, soutenu par les plus grosses entreprises du monde, pourrait venir supplanter les souverainetés étatiques afin de porter l’ultra-libéralisme à son paroxysme. Injustice total(itair)e !

Conclusion

Le TAFTA serait LE moyen légal pour les lobbies et autres groupes d’influence pour faire valider en Europe toutes les « saletés » qu’ils ont cherché à faire passer sans succès depuis une quinzaine d’années. Il est encore temps d’empêcher ce désastre et cette future tyrannie des multinationales sur les États et les peuples. Les élus européens vont devoir se prononcer sur ce grand marché transatlantique. Aujourd’hui, ils sont 70% à se dire plutôt favorables au TAFTA. Seront-ils toujours autant dans quelques semaines après les élections, surtout si les citoyens se mobilisent ?

Soyez-en sûrs, une fois mis en action, ce Traité sera indestructible. Alors il faut agir, et maintenant !


TAFTA ou CLIMAT : il faut choisir !


Marché transatlantique. La Maison de la presse « hors Tafta »

Pour marquer son opposition au traité de grand marché transatlantique, Fred...

Pour marquer son opposition au traité de grand marché transatlantique, Fred Vasseur a placardé des affiches « Stop Tafta» sur les vitrines de la Maison de la presse.

De plus en plus de communes se déclarent symboliquement « hors Tafta », refusant le traité de libre-échange qui se négocie dans l’opacité entre l’Union européenne et les États-Unis. À l’instar de la Maison de la presse, des commerces rejoignent le mouvement.

« Un libraire, ça vend des livres et ça ferme sa gueule ». Ainsi éructa naguère un grand éditeur parisien, digérant un dîner en ville trop copieux. Fred Vasseur, lui, a bien l’intention de l’ouvrir. « J’ai décidé d’arrêter de m’autocensurer et de montrer davantage ce que je pense : de moins la fermer pour mieux informer ». Après tout, ce n’est pas parce qu’on est commerçant, recevant des clients aux opinions les plus diverses, qu’il serait interdit d’afficher les siennes. Ça n’empêche en rien de respecter celles des autres.

Entre experts et lobbyistes

« Les attentats, le repli sur soi et aussi des événements de ma vie personnelle m’amènent à vouloir positionner politiquement la Maison de la presse ». Mais attention, pas de cette politique politicienne dont Fred Vasseur est à mille lieues. « Je n’appartiens à aucune organisation quelle qu’elle soit. Il s’agit d’une démarche personnelle, d’un engagement citoyen ». Son combat ? Le Tafta. Acronyme anglais de Trans Atlantic Free Trade Area, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis se négocie dans la plus grande discrétion, depuis deux ans, entre experts non-élus et lobbyistes des grandes firmes. « Sans qu’il n’y ait aucun contrôle démocratique, le traité entend supprimer les protections douanières et redéfinir toutes les normes et les règles régissant les échanges entre les deux continents », résume Fred Vasseur. Il n’est pas le seul à s’en inquiéter.

 Des communes « hors Tafta »

Pour la seule France, la pétition européenne en ligne affiche plus de 350.000 signatures. Des communes sont de plus en plus nombreuses à se déclarer « hors Tafta ». Près de chez nous, on trouve Carhaix, Motreff, Saint-Rivoal, Saint-Yvi ou encore Douarnenez qui, pour sa part, est en « vigilance ». On voit que l’inquiétude transcende les traditionnelles chapelles politiques. « Le traité permettra aux entreprises privées d’attaquer les États en justice si elles estiment que les législations nationales portent préjudice à leurs intérêts. Les jugements seront rendus par des tribunaux privés, appelés arbitraux, composés d’avocats d’affaires et de juristes recrutés parmi les grandes firmes internationales ». Pour Fred Vasseur, les conséquences seront « dramatiques » dans biens des secteurs de la vie économique et sociale.

« Tafta ta gueule à la récré »

« On ne pourra plus interdire les OGM ni les viandes aux hormones de croissance ou lavées au chlore. Les conditions de travail vont se dégrader vers le moins-disant, les aides publiques à la santé, l’éducation ou la culture seront attaquables, tout comme le refus d’exploiter les gaz de schiste si préjudiciable à l’environnement ». La liste est encore longue des griefs que Fred Vasseur fait au traité. « Je conseille à tout le monde de regarder sur internet le petit film intitulé « Tafta ta gueule à la récré ». En trois minutes, il résume parfaitement les enjeux et conséquences du traité ». Vidéo qu’il compte projeter dans son commerce.


TTIP / TAFTA : l’arbitrage pose toujours problème

Mathilde Dupré Chargée de campagne pour la responsabilité dans les accords commerciaux à l’institut Veblen

Non à 97% : c’est le score enregistré par la proposition d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) dans l’accord transatlantique de commerce et d’investissement, lors de la consultation publique menée par la Commission européenne. Le dispositif n’est certes pas nouveau puisqu’il a été inscrit dans plus de 3000 traités signés y compris par des pays européens. Il ouvre une voie de recours privilégiée devant un tribunal d’arbitrage privé pour un investisseur étranger d’un Etat contractant contre un autre Etat qui ne respecte pas les dispositions du traité en question.

Mais, progressivement détourné de son objet, il sert aujourd’hui à des multinationales à faire condamner des États devant des tribunaux privés. Motif ? Le manque à gagner induit par des décisions de politiques publiques d’intérêt général notamment sanitaires, environnementales, fiscales ou sociales. En Europe, il a déjà coûté aux contribuables européens plus de 3,5 milliards d’euros de compensations versées aux entreprises. Et ce n’est qu’un début car aucun plafond n’existe pour ces sanctions ; dans une plainte encore à l’étude, l’énergéticien suédois Vattenfall ne réclame pas moins de 4,7 milliards d’euros à l’Allemagne, suite à sa décision de sortir du nucléaire.

Face à ce mouvement d’opposition, Bruxelles a été contrainte de revoir sa copie, en se basant notamment sur des suggestions de la France. La nouvelle proposition européenne, officiellement publiée et soumise aux Américains le 12 novembre dernier, propose la création d’un système juridictionnel des investissements. Cette proposition constitue une amélioration par rapport au dispositif de départ dans la mesure où elle vise à créer une cour permanente et à instaurer notamment un mécanisme d’appel. Pour autant, elle reste inacceptable à plusieurs titres.

Situation paradoxale

Tout d’abord, a-t-on vraiment besoin d’un tel système de règlement des différends supranational ? Les Etats membres de l’UE, les Etats Unis et le Canada n’offrent-ils pas toutes les garanties d’un Etat de droit ? Avec sa proposition bis, la Commission ignore toujours cette interrogation légitime.

Le nouveau dispositif consacre toujours un double privilège accordé aux seuls investisseurs étrangers

Ensuite, quand bien même elle serait acceptée par les Etats-Unis, cette nouvelle proposition crée une situation paradoxale. La Commission ayant renoncé à l’intégrer dans d’autres accords en cours de ratification, elle demande aux Etats membres et aux eurodéputés de ratifier par exemple l’accord UE / Canada avec un RDIE ancienne formule. Or près de 80% des entreprises américaines opérant en Europe pourraient utiliser leur présence au Canada pour poursuivre des Etats européens sur la base de ce traité…

Par ailleurs, le nouveau dispositif envisagé n’est malheureusement pas de nature à rassurer les citoyens ni leurs représentants au Parlement européen.

Rupture d’égalité

Il consacre toujours un double privilège accordé aux seuls investisseurs étrangers. Ces derniers disposent ainsi du choix de la juridiction (tribunal national ou arbitrage international) et donc de la loi applicable (droit national ou disposition du traité) pour faire valoir leurs droits, alors que ce recours à l’arbitrage reste fermé aux entreprises domestiques (y compris une majorité de PME), aux consommateurs, aux travailleurs et aux éventuelles victimes d’abus de la part des entreprises.

Pour reprendre l’exemple allemand de la sortie du nucléaire, les énergéticiens nationaux tels que E.ON et RWE, qui ont dû affronter les mêmes conséquences liées à cette décision démocratique, ont donc porté l’affaire devant les tribunaux nationaux. Alors que pour Vattenfall, l’examen de la plainte se fait à l’aune des dispositions du traité et du droit international, plus favorables aux investisseurs, et non pas à celle du droit et de la jurisprudence allemands et européens. Il représente, à ce titre, une rupture de l’égalité des citoyens devant le droit et pourrait se révéler incompatible avec l’ordre juridique européen et les règles du marché unique. Il appartient à la Cour européenne de justice de se prononcer sur cette question essentielle avant d’aller plus loin dans la négociation. Encore faut-il qu’elle soit saisie à cet effet par le Conseil, la Commission ou le Parlement européen !

La proposition européenne ne règle pas non plus les enjeux d’indépendance et de conflit d’intérêts des « juges »

Autre point important, la préservation du droit des Etats à réguler n’est toujours pas garantie : si le principe est en théorie inscrit dans le texte, il reste fortement encadré en pratique. Les arbitres requalifiés en juges auront à se prononcer sur la nécessité des mesures adoptées par nos gouvernements, leur caractère non excessif ainsi que la légitimité de l’objectif politique poursuivi. Autrement dit, si un État membre décide d’interdire tel OGM autorisé au plan européen en invoquant le principe de précaution ou des effets sanitaires incertains, il reviendra au juge d’évaluer la pertinence de cette décision.

Une absence de plafond pour les compensations

Or, la proposition européenne ne règle pas non plus les enjeux d’indépendance et de conflit d’intérêts des « juges », dont la rémunération continuera de dépendre largement du nombre de plaintes déposées par les investisseurs et qui pourront être arbitres dans d’autres enceintes. Pas plus qu’elle ne plafonne les montants des compensations, qui peuvent dépasser largement les seuls investissements réalisés dès lors qu’ils prennent en compte les « attentes légitimes » des investisseurs sur des profits futurs ! La proposition française de sanctions à l’égard des plaintes abusives n’a quant à elle pas été retenue.

La Commission européenne juge sa nouvelle proposition équilibrée car elle ne satisfait vraiment ni les grandes entreprises, ni la société civile. Ce critère qui ne manque pas de surprendre ne saurait remplacer ceux, plus fondamentaux, de la compatibilité avec le droit européen et la préservation du droit des États à instaurer des politiques publiques visant, par exemple, la stabilité financière, la protection des individus ou de l’environnement.


TAFTA/TTIP : La commission ouvre ses documents aux industriels et les refuse aux élus

Voici plusieurs années qu’on parle du marché transatlantique qui est négocié entre Bruxelles et Washington.
Le contenu de l’accord ? La portée des négociations ?Ni vous, ni moi, ni même nos élus ne le savent vraiment. Les seules personnes en théorie pouvant avoir accès à ces documents sont les fonctionnaires nommés des deux côtés de l’Atlantique…
Une négociation secrète qui attise la défiance des citoyens, des eurodéputés (qui peuvent consulter certains documents, sous conditions et sans prendre de note) au point que le site Wikileaks offre une récompense à quiconque publirait l’avancement et la teneur des négociations.
En résumé, ici se joue un traité portant sur un abaissement de la plupart des « entraves » douanières et réglementaires au commerce entre les USA et l’organisation bruxelloise. Il va sans dire qu’il risque de modifier la face du commerce mondial, mais beaucoup d’entre nous n’en ont que très peu entendu parler.  Une fois négocié le texte devra être accepté ou non, d’un seul bloc par les parlementaires nationaux qui n’ont actuellement pas plus d’information que vous et moi. C’est un peu comme acheter une maison « clefs en mains » sans en avoir vu les plans et dès la première visite.

Un manque de transparence pointé dès le départ des négociations.

Voici quelques exemples :

En 2013 la CGT pointe le manque de transparence vis-à-vis du traité : « Ces négociations sont problématiques sur le fond et sur leur forme. Elles sont effectuées dans une grande opacité et aucune communication officielle du mandat de négociation de la commission européenne n’a été faite. La CGT exige que les positions européennes soient rendues publiques et puissent être analysées et débattues par les parlementaires, les organisations syndicales et la société civile. »

En 2014 un projet porté par certains parlementaires constatait : «  Considérant que les négociations transatlantiques en cours en vue de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique se déroulent dans des conditions ne répondant pas aux exigences démocratiques en matière de transparence des négociations et de légitimité des négociateurs » et demande la suspension des négociations. (Sans effet) 
Il y a tout juste trois mois, la France par l’intermédiaire de Mathias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce expliquait que les négociations se déroulaient : «  dans un manque total de transparence et dans une grande opacité, ce ui pose un problème démocratique  ».
De nombreuses autres associations politiques ou non et de tout horizon confondus se sont insurgées contre ce manque de transparence.  L’argument jusqu’alors développé par la commission européenne était que seuls les négociateurs et leurs équipes étaient dans la confidence, le manque d’informations concernant les pistes et l’avancement des négociations était partagé de tous… Citoyens, élus, entreprises, une sorte d’égalité vis-à-vis des diktats de la technocratie euro-atlantique !

Si les citoyens et les élus n’y ont pas accès, d’autres ont eu ce privilège.

Si les entreprises et certaines ONG ont été chargées de conseillers les négociateurs, ces dernières n’avaient théoriquement pas accès à l’état d’avancement ni à la stratégie de négociation.

Le journal le Guardian a mis la main sur des échanges entre la commission européenne et plusieurs associations représentant les géants pétroliers qui laissent penser que ces derniers ont eu accès aux plans de stratégie et ont même été invité par la commission à soumettre leur proposition en vue de libéraliser les marchés du gaz et du pétrole entre les deux blocs.

Désormais il semble que seuls les élus et les citoyens soient dans l’ignorance concernant la réelle portée du projet et son aboutissement souhaité.

Commission européenne et lobbys main dans la main contre les peules des deux cotés de l’Atlantique.

Les documents révèlent que Bruxelles demande aux industriels des propositions afin de négocier la fin de la résolution du gouvernement américain de ne pas exporter de pétrole en grosse quantité depuis 40 ans…. A l’heure de la COP21 et des trémolos dans la voix de nos dirigeants nous expliquant qu’il faut sauver la planète, la commission européenne négocie en secret pour avoir accès au pétrole de schiste du géant américain !

D’ailleurs les subventions sont en hausses concernant l’industrie pétrolière au sein de l’organisation bruxelloise.

Si en Europe le marché transatlantique inquiète en raison de l’abaissement de certaines normes notamment dans l’agro-industrie au mépris de la volonté des peuples on voit que de la même manière les citoyens des USA peuvent eux aussi craindre que certaines dispositions de leurs réglementations soient défaites au profit du sacro-saint marché. D’ailleurs, chose dont on ne parle que trop rarement en France, c’est que des ONG américaines s’insurgent également contre le traité par exemple :

Detlev Ganten, le président de la World Health Summit, a déclaré : »que la question clé était de savoir si les accords de libre-échange restreignent la capacité des collectivités locales à choisir leur propres systèmes politiques, sociaux et culturels – y compris la capacité à mettre en œuvre des politiques qui favorisent et protègent la santé publique. »